Charles-Péguy Bobigny

 

Hier, jeudi 12 janvier 2023, a eu lieu le premier repère pour éduquer de l'année. Un beau moment d'échanges et de partage, à partir de l'inspiration de madeleine Daniélou et de la communauté SFX. Avec Christiane Conturie et Agnès Bertheau, nous avons réfléchi et débattu à propos des espaces de liberté, des interdits et des obstacles, pour repenser la construction de l'autonomie des enfants. 

 

photo SFX v2

 

Pour poursuivre la réflexion, voici les trois textes commentés lors de cette soirée. 

A noter : la réunion du 19 est annulée à cause de l'annonce des mouvements sociaux, le prochain repère se tiendra à Charles-Péguy le 02 février à 18h30. 

«  L’autorité est une barrière entre le mal et nous, nécessaire aux enfants, et à tous à certaines heures de fragilité, mais elle ne s’exerce que pour aider un jeune à se forger un jugement personnel, à choisir selon sa conscience. Cependant il n’y a pas d’éducation sans une certaine ascèse, exercée au besoin à contre-courant de l’opinion dominante, mais créatrice de liberté… Selon les âges, et les seuils de maturité, les élèves s’exercent peu à peu à pratiquer une liberté responsable et à devenir co-acteurs de leur propre éducation. » (M.D)

Deux visages de l’autorité paternelle

GANDHI

Je me rendis coupable d’un chapardage quand j’avais douze ou treize ans.

J’avais quinze ans quand je commis cet autre vol. Cette fois, ce fut un morceau d’or que je dérobai, au bracelet de mon frère. Ce denier avait contracté une dette de vingt cinq roupies environ. Il portait au bras un bracelet d’or massif. C’était un jeu que d’en faire sauter un petit morceau.

Ma foi, c’est ce que je fis…

Mais ce geste ne tarda pas à me peser atrocement. Je pris la résolution de ne plus jamais voler. Je décidai aussi de tout avouer à mon père.  Mais je n’osais le faire de vive voix. Non que me retint la peur d’être battu. Non. Je n’ai pas souvenir que mon père ait jamais donné de coup à aucun d’entre nous. Je craignais la peine que je lui ferais. Mais je sentais qu’il fallait courir ce risque, et qu’un aveu complet pourrait seul me laver.

A la fin, je me résolus à écrire ma confession, pour la soumettre à mon père et demander son pardon. Je l’écrivis sur un bout de papier, et la remis moi-même. Je n’y confessais pas seulement ma faute, je réclamais un châtiment approprié et je faisais serment de ne plus jamais voler.

Je tremblais en tendant à mon père cette confession. Il souffrait alors d’une fistule et gardait le lit, qui était une planche de bois nue. Je lui tendis mon mot et m’assis, à l’autre bout de la planche.

Il lit le mot sans en perdre une ligne et des larmes perlèrent, coulant sur ses joues et mouillant le papier. Un instant, il ferma les yeux pour réfléchir ; puis il déchira le papier. Il s’était mis sur son séant pour lire. Il s’allongea de nouveau. Moi aussi je pleurais. Je pouvais voir qu’il souffrait…  Si j’étais peintre, il me serait encore facile aujourd’hui de fixer la scène tant elle vit toujours dans mon esprit.

Ces perles d’amour et de douleur purifièrent mon cœur, le lavant du péché. Il faut avoir connu pareil amour pour en connaître l’exacte qualité.

KAFKA

 

Grâce à ton énergie tu étais parvenu tout seul à si haute position que tu avais une confiance sans borne dans ta propre opinion... De ton fauteuil tu gouvernais le monde. Ton opinion était juste ; toute autre était folle, extravagante, anormale. Et avec cela, ta confiance en toi-même était si grande que tu n’avais pas besoin de rester conséquent avec toi-même pour continuer à avoir raison ...

Quand j ‘entreprenais quelques chose qui te déplaisait et que tu me menaçais d’un échec, mon respect de ton opinion était si grand que l’échec était inéluctable, même s’il ne devait se produire que plus tard. Je perdais toute confiance dans mes propres actes. Je devins instable et indécis…

Je me garde bien d’affirmer que tu es seul responsable de ce que je suis devenu, tu n’as fait qu’aggraver ce qui était, mais tu l’as beaucoup aggravé, précisément parce que tu avais un grand ascendant sur moi et que tu usais de tout ton pouvoir. Dans ta bouche, une réprimande prenait généralement cette forme : « Tu ne peux pas faire cela de telle et telle manière ? C’est déjà trop te demander, je suppose ? Naturellement tu n’as pas le temps ? », et ainsi de suite... Chacune de ces questions s’accompagnait d’un rire et d’un visage courroucé. On se trouvait en quelque sorte déjà puni avant de savoir qu’on avait fait quelque chose de mal. 

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